MFÄF est, depuis 2019, l’acronyme de la société fribourgeoise de médecine. Quel est l’objectif premier de votre association ?

Nous avons mené une réflexion de fond pour répondre à cette question, en partant d’une considération pragmatique : la taille de nos effectifs et le principe de milice de notre fonctionnement ne nous permettent pas de nous engager dans de grands combats pour la défense de la profession au niveau fédéral. Nous n’en avons pas les moyens. Tout ce que nous pouvons faire, c’est utiliser notre force de travail pour placer les intérêts des patients au centre de notre action. Les grands débats politiques sont empoignés par la Fédération des médecins suisses et la Société médicale de la Suisse romande.

Comment cet engagement pour les patients au niveau local s’est-il traduit dans la pratique ?

Il y a une dizaine d’années, nous avons entamé une réforme de nos statuts pour affirmer explicitement notre volonté de placer le soin et la défense de nos patients au sommet de nos priorités. Il découle de cette prémisse que notre engagement en faveur des intérêts de la profession vise à aider les médecins à s’occuper correctement de leurs patients. C’est une façon de voir les choses qui s’apparente à un changement de paradigme. Nous avons profité de la refonte de nos statuts pour accorder au comité la possibilité de procéder à des adaptations très rapides face à certaines situations sociétales qui nécessitent une réaction de notre part. C’est quelque chose qui nous semblait très important.

Qu’avez-vous encore fait d’autre ?

Nous avons décidé de faciliter l’accès des patients à la commission cantonale de déontologie, via un formulaire de plainte disponible en ligne. Il permet de signaler un comportement considéré par la personne concernée comme anormal de la part d’un médecin.1 Nous avons également édicté des recommandations de bonne pratique pour prévenir les inconduites sexuelles.2 Je crois que nous sommes la première société de médecine cantonale à le faire, même si des sociétés de discipline médicale avaient déjà pris cette initiative avant nous. Nous avons esquissé les lignes rouges à ne pas franchir pour un professionnel de la santé. Cette démarche a été très appréciée, tant par nos patients que par nos membres. De manière générale, MFÄF pratique la tolérance zéro en matière d’inconduite sexuelle sur un patient dans le cadre d’une relation thérapeutique. Il faut être conscient qu’une communication inadaptée est susceptible de causer au patient d’importantes souffrances. Parfois, aussi, un comportement maladroit peut entraîner une accusation infondée d’inconduite sexuelle. Garder en toutes circonstances une attitude adéquate permet au médecin d’éviter un bon nombre de situations fâcheuses.

Vous avez un taux de recueil des données RoKo (étude permettant de déterminer les coûts de fonctionnement des cabinets médicaux, ndlr) très élevé…

La participation à l’enquête RoKo est cruciale pour les sociétés cantonales de médecine puisqu’elle fournit des données utilisées dans le cadre des négociations sur la valeur du point. Depuis sa mise en place par la Caisse des médecins en 1990, elle représente un véritable recueil des coûts d’exploitation supportés par les médecins installés en pratique privée. Elle permet ainsi de suivre l’évolution permanente de la situation économique des cabinets. Logiquement, le nombre de participants est déterminant pour la représentativité des résultats. Or, il nous a semblé très difficile de rendre la participation obligatoire pour nos membres. Nous avons donc décidé de modifier nos statuts pour avoir un meilleur accès à ces données, moyennant rachat aux cabinets médicaux. Autrement dit, nous leur offrons une incitation financière, qui s’élève jusqu’à 1000 francs, pour les données RoKo et de trust-center. C’est ce qui explique que nous avons maintenant un taux très élevé de recueil des données RoKo. Il convient de préciser que venons de modifier nos statuts pour ouvrir l’adhésion aux sociétés anonymes en main de médecins, ce qui leur permet aussi de se voir proposer un rachat des données. Nous corrigeons ainsi une inégalité pour les médecins qui gèrent un cabinet en société anonyme, en leur évitant de devoir payer des cotisations à double. Enfin, nous offrons également aux non-membres une possibilité de rachat.

Quid de votre organisation interne ?

Nous travaillons en équipe, avec des rôles qui ne sont pas figés et une structure plutôt horizontale. Nous avons opté pour une direction tricéphale, ce qui permet un partage des tâches aisé, tout en diminuant le poids des responsabilités individuelles. Cela facilitera le passage de témoin sans rallonger les mandats. Je crois aussi que nous avons su garder des spécificités locales, comme les commissions paritaires qui ont tendance, ailleurs, à disparaître. Nous avons tissé des liens dans le canton avec l’ensemble des professionnels de la santé et des soins. Conscients de l’importance de travailler en bonne intelligence sur un petit territoire comme le nôtre, nous nous sommes également rapprochés des assureurs et des autorités cantonales de santé. Ici, tout le monde connaît tout le monde. Et c’est quelque chose qui s’est avéré profitable pour les médecins, et donc pour les patients.